LIÈVRE A LA ROYALE A LA MODE DE GUYENNE |
Cette
fabuleuse recette, véritable merveille de l’art culinaire français, notamment
publiée en 1898 par le sénateur et gastronome de la Vienne, Aristide Couteaux,
fut fort heureusement remise au goût du jour par l’inénarrable Paul Bocuse en
1967 à l’occasion d’un célèbre dîner du « Club des Cent ».
Il
existe même un Championnat du monde de Lièvre à la Royale
Recette
mythique s’il en est, le lièvre à la royale suscite chez les gourmets de tout
poil une fascination quasi fantasmatique. Mais elle provoque aussi des débats
interminables et des querelles de chapelle. Il se pourrait même qu’avec un
commensal dont les papilles auraient une appréciation différente des vôtres le
conflit puisse se régler sur le pré, pour exiger réparation d’une offense
ressentie comme irréparable, toute gourmande soit-elle.
Le
lièvre « à la royale » est un plat très riche qui tient à la fois de la daube
et du civet puisqu’il mijote très longuement dans du vin et que sa sauce est
liée au sang.
La
recette de terroir : le lièvre en « chabessal », méthode primitive
C’est
l’ancêtre. On la préparait à l’est du Poitou et en Limousin où on l’appelait «
lièvre en chabessal » (ou « cabessal » en Corrèze). Car il est indubitable que
le lièvre dit « à la royale » a en fait d’humbles origines paysannes.
La
recettes des princes, soit la « méthode périgourdine », revisitée par Antonin
Carême et dite « lièvre à la royale »
Le
Périgord jouxtant le Limousin, la recette conquit vite cette province où, dès
le XVIIIe siècle, les forêts en étant prodigues, on eut tendance à rajouter des
truffes un peu partout. Et comme si ça ne suffisait pas, le foie gras (d’abord
d’oie) étant devenu une spécialité régionale, il vint lui aussi endimancher
nombre de plats de la cuisine bourgeoise périgourdine. Car à la ville, il
fallait montrer ses signes extérieurs de richesse jusque sur la table.
Retour
aux fondamentaux avec le lièvre « méthode poitevine », selon la recette à
l’ancienne du sénateur Couteaux
Aristide
Couteaux, né en 1835 à Usson-du-Poitou, journaliste et sénateur de son état,
mais également gourmet impénitent, s’insurgea contre cette recette qu’il
jugeait outrageusement trahie. Homme politique très impliqué dans sa région,
c’est cependant à cause de sa recette de lièvre à la royale qu’il est passé à
la postérité.
Écrivant
des chroniques baptisées « La vie à la campagne » au journal Le Temps, il y
publia sa recette le 28 novembre 1898. Avec un succès retentissant.
Le
sénateur Couteaux était en fait revenu à la recette de terroir, la débarrassant
des truffes et du foie gras qu’il jugeait hérétiques, mais en la modernisant et
en lui apportant néanmoins beaucoup de finesse. Le lièvre dépouillé a la tête
coupée au ras des épaules, est enveloppé de bardes et est cuit dans la daubière
avec de la graisse d’oie, des carottes, 4 oignons, 20 gousses d’ail et 40
échalotes et bien sûr un bon vin rouge. Pendant la cuisson, on prépare un
hachis avec du lard, les abats (y compris la cervelle et les joues de la tête)
et encore 10 gousses d’ail et 20 échalotes. Mais ces aromates ne sont pas
simplement ciselés, ils sont hachés finement jusqu’à consistance de purée, ce
qui a son importance.
Après
3 h de cuisson à feu doux, le lièvre est retiré et désossé. Puis on remet tout
ce qu’on prélève (os compris) dans la cocotte, on foule bien le tout au pilon
et on incorpore le hachis. On mouille à nouveau avec du vin flambé, on
réintroduit le chair du lièvre dans le coulis et c’est reparti pour 1 h 30 de
mijotage très doux. On cuit bien sûr à couvert mais on dégraisse et dépouille
la sauce au fur et à mesure. Enfin, 15 minutes avant la fin de cuisson, on lie
la sauce avec le sang en fouettant et on ajuste l’assaisonnement. Il ne reste
plus qu’à verser cette compotée dans un plat creux en éliminant tous les os.
Pour
cette recette étonnante, il ne faut pas avoir peur de la quantité
impressionnante d’alliacées qui donnent au contraire une consistance de velours
à la sauce. D’autant que le long temps de cuisson atténue considérablement la
puissance de leurs parfums et a plutôt une action sur la texture.
Quelle
que soit la recette, il faut d’abord choisir le lièvre qui trônera dans la
braisière avant de garnir les assiettes (chaudes s’il vous plaît).
INGRÉDIENTS
(Pour 6 à 8 personnes)
1
beau lièvre de 3 kg (le chasseur a préféré dire, 6 livres !)
500
g de ris de veau
1
truffe du Périgord (Mélano) de 30 g.
1
foie gras de canard entier de 500 à 600 g
100
g de jambon sec de Chalosse (Noir de Bigorre salé au sel de Salies)
100
g de carottes des sables
10
échalotes grises (attention après Noël il n'y en aura plus!)
100
g de cèpes bouchons
500
g de crépine de porc
3
g de poivre noir mignonette de Sarawak (à la fin si l'on veut au moulin un peu
de poivre long de Java)
12
g de sel (un peu moins d'1 càs)
5
cl d'Armagnac
3
cl de vinaigre de vin vieux
2
œufs...de poule.
1
petite botte de persil plat, serpolet ou thym frais (évitez le thym séché plus
apte à faire...de la tisane)
50
g de mie de pain
1/2
bouteille de Sauternes
Genièvre,
muscade, clou de girofle, cardamome et cannelle. Une demi cuillère à café de chaque
en poudre !
Un
peu de moutarde et sucre en poudre.
Pour
le fond de gibier :
1
bouquet garni
100
g de carottes
1
bel oignon
2
bouteilles de Sauternes
1
morceau de crosse de jambon
100
g de couenne de cochon.
Votre
tablier est attaché, les mains sont propres ? 3heures de préparation vous
attendent ainsi que 3 à 4 heures de cuisson !
PRÉPARATION
Il
convient en premier lieu de dépouiller et vider le lièvre (n’oublier pas de
retirer tous les plombs au cas il proviendrait de la chasse) Attention de bien
récupérer le sang de l'animal et de le mélanger au vinaigre pour l'empêcher de cailler
!
On
conserve, le foie, le cœur et éventuellement les poumons.
Pendant
ce temps on fait réduire en quatre fois sans ébullition et à couvert une demie
bouteille de Sauternes.
En
quatre fois, sinon c'est fichu ! On fait réduire jusqu'à consistance pâteuse un
quart de la bouteille puis on rajoute un autre quart et ainsi de suite !
On
a le temps de désosser le lièvre entièrement à cru et comme pour une ballotine
de volaille en gardant de longs morceaux.
On
va préparer un fonds de gibier en utilisant la tête, les os, la chair des
jarrets, un bouquet garni, 100 g de carottes coupées en mirepoix, 1 gros oignon
et les deux bouteilles de Sauternes.
On
y ajoute le morceau de crosse de jambon séché, quelques couennes coupées en
lanières et on laisse cuire à tout petit bouillon, en écumant
régulièrement...au moins 2 heures.
Les
ris de veau sont blanchis 5 minutes à l'eau bouillante salée puis pelés.
On
fait suer ensemble et à couvert les carottes en brunoise (2 ou 3mm de côté) les
cèpes en gros dés, le jambon en brunoise et les échalotes ciselées.
On
va ensuite hacher finement le cœur, le foie et les ris de veau et ajouter la
mie de pain émiettée avec les œufs entiers.
On
incorpore une demi cuillère à café de chacune des épices en poudre fraichement
moulues, puis la réduction de Sauternes, l'Armagnac, le sang du capucin, le
persil ciselé, les 12 g de sel et les 3 g de poivre mignonette!
Et
oui il est important de faire ses pesées avant de commencer !
A
cette dernière préparation, on mélange, les cèpes, carottes, jambon et
échalotes qui viennent de suer ensemble (vous aussi ?) ainsi que les 2/3 (20 g)
de la truffe hachée.
Sur
votre planche, vous étalez le lièvre désossé en formant un long rectangle.
Les
chairs sont alors badigeonnées de moutarde forte additionnée de sucre, du sel
et on effeuille le serpolet (à défaut si on a ça, des fleurs de thym).
Sur
la longueur, on dispose le foie gras détaillé en bandes d'1cm 5 (il est inutile
de l'éveiner)
L'ensemble
est entouré de la farce en façonnant une ballotine que l'on recouvre de la
crépine en donnant bien une forme d'un cylindre. Le tout est ficelé
délicatement sans trop marquer en serrant.
On
fait dorer à la cocotte notre ballotine sur chacune de ses faces puis on
dégraisse !
Il
faut alors mouiller avec le fonds de gibier et braiser très lentement au four à
couvert pour 3 ou 4 heures en prenant soin d'arroser régulièrement. Tout ceci à
120° ! thermostat ? …selon le modèle de four !
Le
reste de la truffe est haché finement puis le fond de braisage passé au chinois
étamine. On rectifie l'assaisonnement, poivre long de Java et éventuellement 10
g de truffe !
Le
lièvre est servi découpé en belles tranches accompagné d'un cordon de sauce (le
reste en saucière) avec une polenta crémeuse et truffée ou écrasé de pommes de
terre, petits légumes glacés, purée truffée de céleri…ou pommes Amandines...
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